Jean-Yves Berchet

 


Qu’est-ce que j’attendais de l’HK ? Peu de chose, me semble-t-il, sinon le désir très intense d’être à Lyon, libre de ma famille. (Je dus vite déchanter, le plaisir de voir un film se payant toujours du remords d’avoir bâclé ma version latine.) Il y avait aussi l’exemple d’un frère aîné « passé par là » et cela paraissait la route normale d’un bon élève de lycée de province. J’aimais (j’aime) la littérature et rêvais de cinéma. Ce n’était pas contradictoire. Cette année d’HK fut donc plus la fin désagréable de mes études secondaires qu’un tremplin vers l’avenir. Du moins, elle m’a permis de préciser qui j’étais et qui je n’étais pas.

Je pourrais bien sûr jouer le jeu des « Je me souviens » nostalgiques (le chapeau de Pillard posé sur le bureau, telle phrase de Debidour…) Mais je sais surtout que ce fut l’année la plus triste et la plus misérable de ma vie : nous étions des garçons aux vêtements ternes, trop vite lavés et qui n’ont pas assez dormi. Je lis encore ça sur la photo de classe. Il est vrai que l’avant 68 n’était pas glorieux pour les jeunes gens et que 19 ans n’était pas, alors non plus, « le plus bel âge de la vie » ! Et je me souviens surtout, après l’HK, du plaisir « à aller à la fac » : le soleil sur les pelouses, le temps perdu, les filles, les ciné-clubs, la vraie vie libre qui commençait et que je fis durer jusqu’à une maîtrise de lettres modernes en 1970. Guy Marconnier est le seul de cette promotion avec qui je garde des rapports amicaux après 1966. Il me fait jouer dans son long-métrage méconnu Suite et fin des aventures de Ginette Dubois. Je roule cette année-là dans une Fiat décapotable (un peu pourrie bien sûr) et les tourments de l’HK me semblent bien loin.

A-t-on étudié cette génération de cinéphiles à qui La Nouvelle Vague laissait penser qu’il suffisait de posséder une caméra 16 mm pour se retrouver sur les marches du festival de Cannes ?

Fin 1970 je pars comme coopérant militaire à Alep (Syrie). « Je revins. » Encore quatre ans de tentatives diverses, intermittentes et pittoresques (photographe de clubs, disque jockey) avant de me résoudre, un peu dans le même esprit, à faire le professeur (Capes en 1974).

Et depuis : trois petits romans édités : Jaune banane, rouge sang (1982), Des choses qui arrivent (1996), La piscine Farouk (1998) — ce qui me vaut de figurer sur le mur des écrivains lyonnais ! —, une adaptation pour la TV, quelques activités de vidéo. Amours (sans enfant), amitiés, lectures : le choix d’un certain plaisir (le contraire de l’HK).

8 février 2010


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