Jean-Noël Dumont

 

À vrai dire je n’ai compris que quelques années plus tard ce que c’était que l’ENS. Quant aux enseignements de l’HK je n’en ai rien retenu que du latin, grâce au sérieux de Pillard. À ces professeurs qui me paraissaient vaniteux et lointains, faut-il le dire, je ne dois ni une idée ni une lecture. Mais en arrivant en classe j’ai découvert mes premières photos de filles nues, mes premiers affrontements politiques. Ainsi je me souviens surtout des discussions entre nous, politique, littérature, cinéma, religion. Si j’ai appris quelque chose lors de cette année c’est de mes camarades. La campagne électorale pour la première présidentielle fut pour moi le meilleur moment. On peut regarder avec amusement ces jeux où s’essayaient des ferveurs qui ont pu depuis changer de causes. Je me souviens, autres luttes,  des matches de basket et d’une bonne ambiance de rigolade.

À la Faculté, en revanche, j’ai beaucoup appris de Deleuze et Maldiney. J’ai passé l’agrégation de philosophie en 1970, et j’enseigne depuis 1968 (42 ans !) aux Maristes que je n’ai pas quittés. Actuellement j’enseigne avec beaucoup de bonheur dans une excellente HK où je pense bien être plus présent que ne le furent nos profs. Je donne à ce métier une passion inusable. L’enthousiasme des élèves, leur avidité et leur fragilité, me font donner le meilleur de moi dans ce travail d’éducateur et de philosophe qui est depuis Socrate la plus haute mission. Aussi n’ai-je pour l’instant pas envie de dételer.

Parallèlement à l’enseignement j’ai développé bien des activités liées naturellement à l’engagement d’un intellectuel chrétien. Pendant dix ans un centre de philosophie (centre Kierkegaard), travaux avec Jean-Luc Marion et Rémi Brague dans le cadre de Communio. Pendant dix ans ensuite création et direction d’une collection d’enseignement religieux (Les chemins de la foi), pendant dix ans encore quelques publications (sur Pascal, Marx, Platon ou Péguy), enfin depuis dix ans (on arrive ainsi à quarante environ) j’ai créé et je dirige une maison d’étudiants et un centre de conférences (Le Collège supérieur) qui est un lieu de rencontre et de recherche (on peut consulter le site). J’y ai invité un nommé Yann Richard. Je me demande maintenant de quoi seront faites les dix années suivantes…

J’ai épousé Dominique - qui m’attendait à la sortie du lycée - en 1967. Nous avons eu six enfants. L’un d’entre eux est normalien et agrégé de philo. Il a eu, lui, quelqu’un pour lui expliquer ce que c’est que l’ENS ! Ces enfants nous ont rapporté pour l’instant 8 petits enfants. Dominique est élue à la mairie du 2e, en charge du logement social et de la culture, dans l’opposition à un certain Gérard Collomb.

En somme : unité de lieu, unité de temps, unité d’action, mais pas de tragédie.


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