Jean-Luc Breuil

 


Après l'hypokhâgne, j'ai fait une année de « carré », où je n'ai pas été très loin de l'admissibilité au concours. J'ai donc « cubé », ce qui m'a valu de passer les épreuves orales du concours 1968 aux environs de la Toussaint. Première découverte du monde tel qu'il est ; après une dégringolade vertigineuse à l'oral, je me suis retrouvé premier collé, juste derrière trois ex aequo : j'avais pour handicap de ne pas porter un nom connu dans le sérail. J'ai bu le calice jusqu'à la lie en rempilant pour une – courte – année de « bicarre », où je n'ai même pas été admissible, mais cette fois je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même.

J'ai été reçu en 1972 à l'agrégation de grammaire, avec un rang qui m'a permis d'être    recruté comme assistant de grec à l'Université de Saint-Etienne en 1974. C'est en y suivant des cours de grec moderne que j'ai bien vite rencontré celle qui allait devenir mon épouse. J'ai effectué dans cette Université toute ma carrière, que j'ai terminée il y a deux ans comme maître de conférences, après avoir abandonné une thèse d'Etat d'ancien régime, qui menaçait de tout dévorer.

Le bonheur d'enseigner le grec ancien n'a pas été sans nuages : je crois avoir réussi à faire partager ma passion à mes étudiants, mais l'étude des langues dites mortes n'attire plus grand monde – c'est une litote –, et l'atmosphère de notre petite Université est devenue délétère au fil des ans, certains collègues croyant pouvoir sauver leur discipline aux dépens des autres filières.

Notre fils aîné a été emporté par un cancer avant d'avoir sept ans ; nous avons deux autres enfants « biologiques », et avons adopté un petit Colombien. Nous comptons pour l'heure trois petits-enfants.

Le diabète m'est tombé dessus à l'âge de trente ans. La recherche de l'équilibre glycémique est depuis un combat quotidien.  J'ai réussi jusqu'à présent à limiter les complications de la maladie. Je peux donc continuer à arpenter les sentiers du Mont Pilat, en skis de fond, quand il neige comme aujourd'hui, ou en VTT quand le temps est plus clément.


Saint-Priest-en-Jarez, le 12 février 2010