Jacques Willemain

 








Jacques Willemain né le 4 août 1946 à Rougemont le château

1966- 2018 C’est le temps qu’il m’a fallu pour reprendre contact avec mes camarades d’HK du lycée du Parc et une photo jaunie redécouverte lors d’un rangement et enfin une envie soudaine et inexplicable de revenir en arrière et de me souvenir. Mon arrivée au Parc accompagné de mon père, ancien Khâgneux qui avait dû faire jouer tous les pistons dont il disposait encore pour me faire admettre dans cette classe prestigieuse. En effet, je n’avais pas le niveau et m’en suis vite rendu compte en me frottant à mes nouveaux camarades tous bacheliers mention TB et passionnés de lettres.

    Mes souvenirs sont tous anecdotiques et paraîtront sans intérêt à beaucoup, mais c’est ce qui m’a marqué et profondément en cette année 1965-66.

    Le dortoir qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à celui que je venais de quitter à Belfort et où nous avons passé tant de bons moments après le repas du soir. On y buvait le café chauffé par une résistance et nous échangions sur Saint-John Perse, Lautréamont au gré des passions des uns et des autres. Nous partagions le dortoir avec les prépas HEC bruyants et souvent insupportables. Je crois me souvenir qu’on les appelait « les épiciers ».

    En arrivant au Parc je ne savais pas ce qui m’attendait et c’était mieux ainsi. On ne m’avait que peu parlé du bizuthage et des anciens qui nous attendaient à la sortie du réfectoire et, prenant un plaisir sadique à nous répéter « vous êtes con bizuth, vous êtes con ! », nous faisaient traverser la cour en psalmodiant le Bailly ou le Gaffiot jusqu’au sautoir pour y enterrer un préservatif et faire jouir de monumentales colonnes de pierre. Un de mes bourreaux qui avait sans doute décelé mes énormes lacunes en Grec me demandait de conjuguer les verbes en mi que je ne connais toujours pas. Son nom : Lenoir. Mon seul bon souvenir du bizuthage est l’apprentissage des chansons paillardes que je pratique toujours « quand l’occasion se présente » dixit le Grenadier des Flandres.

    Et maintenant au tour des Maîtres. Monsieur Lacroix est celui qui m’a le plus marqué, il m’a presque convaincu que la philo était accessible. Je me souviens du premier devoir et de ses remarques. La meilleure note devait être 8,75 et après avoir commenté trois ou quatre copies, il a lâché « Le reste c’est le magma » avec ce phrasé inimitable. À la fin de l’année j’ai dû faire un exposé dont il m’avait imposé le sujet : le suicide. « C’pas mal mais z’avez pas une tête à parler du suicide »… Encourageant, non ?


    Messieurs Pillard et Debidour m’ont appris beaucoup et permis surtout de réussir Propé en fin d’année. J’ai aussi découvert que je n’étais pas fait pour les lettres classiques et ai même abandonné le grec en cours d’année pour me réfugier chez Monsieur Picardi le professeur d’italien qui n’avait d’yeux que pour Gian Carlo Vegliante. Le peu d’italien que j’y ai appris allait me servir plus tard quand j’ai rencontré Angelina mon épouse Vénitienne depuis 48 ans.

    Quant à Monsieur Rambaud nous n’avions pas beaucoup d’atomes crochus et il ne m’a jamais pris au sérieux. J’ai pourtant trimé dûr pour des résultats lamentables et j’ai encore en mémoire les thèmes trimestriels qu’il fallait travailler.

Monsieur Achille enfin ! Quel talent pour nous faire découvrir la musique de la poésie anglaise, la beauté d’un poème de Keats ou de Thomas Gray. C’est sans doute lui qui m’a aidé dans mes choix ultérieurs.

    Quelques souvenirs dans le désordre : les matches de foot dans la cour après le refectoire de midi, où il fallait dribbler les arbres pour arriver au but ! Defrasne, un carré y faisait admirer sa technique. Les parties de basket acharnées et le samedi soir, quand nous avions le temps et assez d’argent on allait voir L’ASVEL et son joueur vedette Alain Gilles. La fin du bizuthage sous l’œil bienveillant de Mbokolo et le baptême en ville en passant par  la rue Mercière en scandant « Sauvez la rue M… »

Voilà les souvenirs encore très vivaces qui sont remontés à la surface après tout ce temps. Enfin, que suis-je devenu ? De retour dans ma province natale, dans mon village, mon père m’annonce qu’il me coupe les vivres, sans doute parce que je je n’avais pas été à la hauteur de ses espérances et que la famille comptait cinq enfants plus jeunes que moi. Me voilà donc pion d’internat pendant trois ans dont deux à Besançon, le temps de passer une licence d’anglais, une maitrise et d’envisager les concours pour l’année suivante. Le décès brutal de mon père en février 1969 m’oblige à demander un poste de maître auxiliaire pour me rapprocher de ma mère. C’est ma première expérience d’enseignant. Je prépare cette année-là Capes et Agreg. Je réussis le premier et suis admissible au second. L’oral est un désastre et vexé je ne m’y représenterai plus. Premier poste à Belfort où je resterai 14 ans, puis départ pour la Polynésie pour 6 ans (j’y enseigne en prépa HEC et en DEUG AES), retour en France pour les études de nos deux fils puis nouveau départ pour le Cameroun et le lycée Français de Douala et enfin en 1999 dernier poste au lycée Français de Pondicherry où je passerai 7ans. Quelques cours à la fac de Besançon pour améliorer l’ordinaire, un long stage à l’université de Minneapolis pour obtenir un diplôme d’American Studies et vous savez tout de moi.

Je suis en retraite depuis douze ans et coule des jours heureux dans mon village. Ma santé est satisfaisante malgré un AVC il y a six ans dont je suis sorti indemne. Je partage mon temps entre ma famille, le sport, le bricolage et les livres. « Tout roule » je sais encore le dire en Grec. Amitiés à tous et si par hasard vous vous égarez du coté de Belfort, au pied des Vosges, n’hésitez pas à me contacter, je serai heureux de vous revoir et de partager avec vous une bonne bouteille. J’ai omis de signaler que je suis passionné d’œnologie et des grands crus Français.