François Eymard

 

François Eymard

(par lui-même, hélas)

La khâgne du Lycée du Parc a été mon utopie et mon pays de Tendre. J’y suis arrivé en 1965 avec l’illusion d’intégrer Normal Sup. Grâce à Pignaud et Jean Nicolet, j’y ai souvent trouvé une thurne et un couvert au pot, mais en clandestin.

En 1968, j’ai somptueusement dégringolé à l’oral du concours, performance que j’ai rééditée en 1971 à l’agrégation (où il n’y avait que 20 collés sur 130 admissibles !)

C’est que j’avais surtout appris en hypokhâgne l’amitié et la paresse. Auditeur libre, deux semestres durant, dans une université allemande, j’avais souffert de mon jeune âge parmi des étudiants quasi trentenaires. À l’internat du Parc, un vrai phalanstère spartiate, j’ai connu une espèce de dolce vita.

Tout était sinistre : le dortoir collectif, puis les boxes sommaires, les soupières de café au lait, les bouteilles de « bromure », la douche hebdomadaire dans une espèce de cloaque. Mais que d’effervescence entre nous, d’entraide, de discussions, bref, de passion.

J’allais au théâtre de la Cité avec Yann Richard, qui moquait bruyamment les épées en bois des acteurs de Bérénice, au cinéma avec Benoît Fauvergue et Jean-François Domenget, bien que je n’aie rien compris à Juliette des esprits de Fellini ni au Silence de Bergman. J’admirais comme Jacques Dumarest bravait les interdictions de sortir pour aller acheter Le Monde et je lisais Proust sous la table pendant les cours de grec. Je n’étais pas le dernier à critiquer Debidour, à roupiller chez Pillard, à railler Rambaud (mais à voter à 18 ans grâce à lui, mais contre ses choix politiques), à prendre Jean Lacroix tantôt pour un ronronneur tantôt pour un génial mentor, qui m’a fait découvrir Lévi-Strauss et incité à lire, non à acheter seulement L’Éthique de Spinoza.

À l’heure où me guette « le gâtisme au cul verdâtre », je confesse n’avoir reconnu qu’après coup avoir beaucoup appris en khâgne de mes professeurs aussi. Sauf du Teuton, que j’ai si chaudement haï que j’en ai perdu tout mon allemand.

L’hypokhâgne et la khâgne ont rendu faciles le C.E.L.G (propédeutique), les certificats de licence, la maîtrise, le CAPES, les études d’histoire de l’Art, de Sciences politiques, car 1968 et deux années sabbatiques m’ont permis quelques crochets dans le cursus des lettres classiques.

Mais l’agrégation m’a rattrapé en 1972 et m’a fait brièvement professeur de collège puis définitivement professeur de lycée. L’essentiel n’est pas là. Le merveilleux, c’est que j’ai conservé des amitiés durables, voyagé avec certains de mes camarades, revu de temps en temps quelques autres. C’est un ancien khâgneux (HK 1964), Yves Saflix, qui m’a fait rencontrer, en 1974, Ghislaine Buri. Nous avons trois garçons de 25, 21 et 18 ans, très attachés à Bonnefamille, où le hasard des mutations nous a fixés depuis 1981.

Né au Maroc, ayant vécu à Tanger, Oujda, Meknès, Auch, Rodez, Fribourg-en-Brisgau, Bagnères-de-Bigorre, Makale (Tigré) et Addis Abeba, Ambert, Cahors, Villefontaine (Isère), je n’en reviens pas de vivre à la fois en Dauphiné – la terre de mes ancêtres paternels – et dans les environs si proches de Lyon. En dehors de la khâgne, ce sont les deux années en Éthiopie qui m’ont profondément marqué pour des raisons morales, politiques, sentimentales. Mais « ce serait un chapitre à durer jusqu’au soir. »

P.S. Ce que j’ai aimé depuis l’hypokhâgne

- Mes études d’histoire de l’Art à Lyon II

- Mon stage de C.P.R. auprès de M. Gendrot, concurrent malheureux de Lagarde et Michard.

- La classe de 9ème de l’Ecole secondaire de Makalé (Éthiopie) dont un petit Ibrahim qui avait plein de questions à poser après les cours.

- Les latinistes de 4ème du collège d’Ambert.

- Mon année de préparation à l’ENA à l’IEP de Grenoble parce que je m’y suis fait un ami, à la vie à la mort. Et il est mort, hélas.

- Passer le permis “Transports en commun” pour le compte du lycée Léonard de Vinci à Villefontaine et transporter les élèves à des manifestations artistiques et théâtrales.
Rétrospectivement, j’en frémis !

- Participer au groupe de recherche interacadémique “Thésaurus”. L’Éducation nationale n’a pas su exploiter les idées de France Baumgartner, qui anticipait sur Google.

- Enseigner le latin à des 1ères S et les emmener à Rome, à Naples.

- Faire cours en BTS audiovisuel et surtout en BTS Arts appliqués.

- Faire des quantités de voyages pour visiter des pays, des coins de France, mais aussi voir des amis.

- Rencontrer ma femme et avoir mes enfants.

- Ne pas savoir ce que je vais faire maintenant, mais sans crainte de m’ennuyer.

Voir également l’hommage de F. Eymard à Benoît Fauvergue

devant le Rhône à Condrieu, avec ma famille